Lancée en 2013 par Delphine Remy-Boutang avec The Bureau, la journée de la Femme Digitale promeut le rôle de ces dernières, dans les entreprises et le secteur des technologies. Le 17 avril a donc pour mission de porter la voix de ces dames connectées, encore sous-représentées en Belgique. Afin de les mettre en lumière, Beelance a rencontré pour vous, une femme influente et incontournable de la Tech’ belge : Cécile Gonfroid.
Élue « CIO of the year » par DataNews en 2013, nommée aux InspiringFifty Belgium 2020 et désignée « CDO of the year » en 2021… Après plus de 35 ans à la RTBF, la Directrice générale des Technologies du pôle technologique ne cesse de fasciner, par son parcours exemplaire et son esprit visionnaire.
Un parcours avant-gardiste
Après une formation de réalisateur, à l’Institut des Arts de Diffusion (IAD) à Louvain-la-Neuve, Cécile Gonfroid, Directrice des technologies à la RTBF, a été pendant plus de 15 ans, réalisatrice et productrice des sports. « J’étais la première femme à réaliser un grand prix de Formule 1 et des matchs de foot », débute-t-elle. Une première en Belgique, car dans les années 80, la réalisation de direct sportif, comme le football, était habituellement « réservé » aux hommes.
Son intégration dans ce milieu, encore aujourd’hui considéré comme très masculin, n’a donc pas été simple… Elle fut confrontée à de nombreux stéréotypes, liés à la femme désintéressée par le sport et au soupçon d’incompétence. Mais, ce sont ces préjugés qui l’ont poussé à devenir la femme qu’elle est aujourd’hui, une femme forte, compétente et reconnue dans différents domaines.
« Le fait, qu’il y ait une femme qui vienne et soit réalisatrice de sports en direct, c’était déjà, un beau défi ! »
Même si elle reconnaît être une férue du terrain, c’est vers le management qu’elle s’est tournée en milieu de carrière. « L’avantage de la RTBF c’est qu’ils nous accompagnent dans un plan de carrière, j’ai fait des formations et certifications… J’ai aussi refait un Executif Master à Solvay en IT gouvernance » souligne-t-elle. Par la suite, elle fut nommée Directrice de la Production TV à la RTBF. Depuis maintenant 15 ans, elle est également membre du Comité exécutif au côté de l’Administrateur général et des six autres directions.
C’est durant sa fonction de Directrice de la Production TV qu’elle s’est rendu compte des lacunes de la direction informatique de la RTBF, jugée selon elle, trop opaque.
Opérer des changements et se moderniser
Redynamiser le pôle Technologie de la RTBF
Cécile Gonfroid nous explique qu’il a fallu redynamiser toute l’organisation technologique de l’entreprise, en les convergeant en un seul point. « On a convergé les compétences avec des process, on a mis de la gouvernance, on a dû mettre en compétence certaines personnes, pour qu’elles soient polycompétentes ». Elle insiste également sur l’impact positif qu’a eu la numérisation, bien que progressive, dans le fonctionnement de l’entreprise. « Si tous nos workflows de publication n’étaient pas numérisés, on n’aurait pas pu développer nos plateformes, comme Auvio ». Cette numérisation des processus de production a donc permis de faire un croisement efficace des données, sur l’ensemble des plateformes de la RTBF.
Mais ce n’est pas tout. La transformation digitale de la RTBF, n’a pas été menée qu’à destination des publics. En effet, l’entreprise s’est également numérisée en interne.
« Tous nos processus, bureautiques, RH et financiers sont presque complètement numérisés dans l’entreprise ». Elle affirme que cette digitalisation des supports a permis de passer, pour la majorité, outre la pandémie.
Cécile Gonfroid élue « Chief Officer of The year en 2021 ». Un prix mettant en avant la stratégie numérique de la RTBF portée par toute son équipe.
Sensibiliser aux problématiques digitales
Si le paysage digital a rapidement évolué ces dernières années, et la dépendance à ses outils s’est vue croître depuis le confinement… Il est ,selon elle, nécessaire d’éveiller les consciences vis-à-vis de l’exclusion numérique. Selon une étude de l’UCLouvain en 2021, 40% des Belges font face à une situation de vulnérabilité face à ces outils, par manque financier ou de compétences.
La directrice des technologies tient à rappeler les missions de service public que porte la RTBF : informer, divertir et éduquer.
« Notre objectif de service public est de toucher tous les publics, les jeunes, les plus de 60 ans… Aujourd’hui, on ne peut pas faire que du digital et arrêter la radio et la TV ». Elle poursuit ensuite sur la mission éducative des médias.« On a un rôle éducatif à donner pour aider le public, pas seulement qu’ils écoutent nos contenus, mais aussi leur expliquer comment ça marche ». Selon elle, se moderniser est une excellente chose, mais il faut veiller à ne pas plus creuser les disparités digitales.
« Nous, on doit garder nos valeurs de service public, nos contenus propres… pour pouvoir garder une place, dans ce monde digital qui évolue ! »
Les nouveaux défis de la diversité
S’il faut rester attentif à l’impact sociétal que comportent les problématiques numériques, Cécile Gonfroid sensibilise aussi sur le manque de diversité dans certains secteurs, notamment technologiques. « On a besoin de diversité, toutes les classes socioculturelles, tous les âges». Elle s’oppose fermement contre les quotas qu’elle juge non-pertinents, car poussant certes à la diversité, mais non à l’inclusivité. « Dans mes recrutements, je n’ai jamais dit : « il faut qu’on recrute des femmes ».C’est la personne qui a le meilleur profil, les compétences et qui se défend à l’entretien ». Dans nos sociétés contemporaines, ce sont les employeurs qui ont le pouvoir de transformation nécessaire pour contribuer à une société plus ouverte, diverse et inclusive.
« Il faut aussi que les entreprises facilitent le travail pour les femmes, avec des crèches, des horaires adaptés et de la compréhension ».
S’imposer et se faire respecter
Ayez confiance en vos capacités
S’imposer en tant que femme dans des univers considérés comme masculin, n’est pas sans conséquence. Entre réticences, critiques et harcèlement moral, Cécile Gonfroid évoque les difficultés qu’elle a pu rencontrer durant sa carrière dans le sport, et ses débuts dans la Tech. « Quand j’étais réalisatrice et que j’allais faire un match de foot ou de Formule 1, j’avais déjà eu des remarques à l’époque » avant de poursuivre sur l’importance de se faire confiance. « Pour moi, il faut se dire que les femmes ont leur place […], on ne doit pas être l’égale de l’homme, on est complémentaires à eux ! Les femmes ont ce côté, plus leadershift, c’est-à-dire, de la bienveillance, de l’écoute, de l’empathie… ». Elle ajoute que, pour se faire une place, il est nécessaire de donner son avis, s’imposer et valoriser son travail. Moi j’ai une direction masculine, des fois je suis dans une réunion et je suis la seule femme. Il y en a toujours un qui va faire une remarque… Il faut rester vigilante ».
« Les femmes dans les Tech c’est une pénurie en Belgique ! »
Enfin, elle termine l’entretien en conseillant aux femmes de ne jamais baisser les bras malgré les obstacles. « Pendant mon premier match de foot, le journaliste de la VRT, est arrivé dans mon Car de captation. Il a demandé à parler au réalisateur… Je lui ai dit que c’était moi, j’ai cru qu’il allait tomber dans les pommes ! Après, 45min de match, un journaliste très connu en Flandre, a commencé à m’encenser sur antenne. Il disait : « c’est génial une femme qui réalise ! ». Après ça, je n’ai plus eu rien à faire, tout le monde voulait que je réalise des matchs !».
Pour Cécile Gonfroid, en faisant vos preuves et en ayant confiance en vos capacités, que vous souhaitiez vous lancer dans l’entreprenariat ou naviguer vers le métier de vos rêves, le fruit du labeur est toujours récompensé.