C’est la question qui a créé le débat entre plusieurs grands acteurs du paysage entrepreneurial belge. Organisé par Beelance et NextConomy, l’événement du 16 septembre 2021 avait pour objectif de dégager des pistes de réflexion au travers d’expertises diverses. Postures et oreilles ouvertes : que la discussion commence…
Entre automatisation des métiers, création de nouvelles opportunités d’emploi et apparition de nouveaux environnements de travail, la quête de sens n’aura jamais été si urgente. Que faudrait-il changer pour insuffler du sens dans nos activités professionnelles ? Vers quel modèle d’entreprise irons-nous ? Quelles sont nos responsabilités de travailleurs, de patrons, d’individus ? Six experts portent la thématique et la déposent dans leur univers, leur propre histoire sur le marché du travail. Guidés par le journaliste Gilles Quoistiaux, ils échangent entre eux, et avec nous.
“Dans le management, on ne peut pas partir d’un poste existant. On part de la personne, de ses compétences. On prend des pierres originales pour bâtir son entreprise.”
Incarner son projet
Josef Schovanec, auteur, écrivain et philosophe, souligne son idée de l’entreprise originale : “L’être humain ne peut entrer dans une case, il doit exister avec sa singularité, être considéré comme une fin en soi et non comme un moyen. Je comprends pleinement les personnes qui veulent être freelance. La personne doit porter son projet, l’incarner. Dans le management, on ne peut pas partir d’un poste existant, on part de la personne, de ses compétences. On prend des pierres originales pour bâtir son entreprise.”. Olivier Legrain, CEO de IBA, précise que le management doit se réinventer en alliant “backbone” et agilité, en trouvant le juste équilibre entre vision individuelle et but commun.
“Le challenge sociétal maximum est de se battre contre le désengagement. Dans l’entreprise 10% des travailleurs sont engagés et 20% activement désengagés.”
Des échecs, des idées et de la confiance
Pour les responsables d’une collectivité, managers, CEO…, “le challenge sociétal maximum est de se battre contre le désengagement. Dans l’entreprise 10% des travailleurs sont engagés et 20% activement désengagés. La raison d’être d’IBA est extrêmement forte et je souhaite faire en sorte que chacun s’y retrouve. Je veux croire que le comptable participe aussi à sauver des vies”. Olivier Legrain est clair, il faut prendre le temps de développer de nouvelles idées, de déployer son potentiel et surtout, accepter l’échec. “il est essentiel de créer des relations de confiance. Le manager n’a plus l’apanage du savoir absolu, il ne mène plus son équipe à la baguette. Mon espoir ? Libérer les dialogues direct !”
Se connecter aux nouveaux talents
Les nouveaux business modèles évoluent à grande vitesse et exigent de plus en plus de flexibilité. Il faut radicalement changer de stratégie, partir de ce qu’une personne a à offrir et la former en conséquence. Freelances, indépendants, consultants… doivent profiter de plus de reconnaissance. “Aujourd’hui, l’un des plus grands défis de l’entreprise est la gestion des talents externes. Leurs profils ne cessent de se diversifier. Ils occupent des rôles critiques et travaillent dans des activités centrales. Ces talents représentent entre 30% et 60% des ressources de l’entreprise. Dans ce contexte, les RH doivent changer de positionnement et devenir un partenaire stratégique” souligne Marleen Deleu, directrice de NextConomy.
Oser lâcher prise
Devant cette question obsessionnelle du sens, il faut parfois juste se lancer et oser entreprendre des choses qui ne sont pas utiles, qui ne sont pas directement productives. Laurent-Philippe Ham, CEO de Beelance, met en évidence sa position : “ en tant qu’entreprise, on doit lâcher prise et abandonner la rentabilité à 100%, il s’agit d’un investissement à plus long terme. Chez Beelance nous laissons la liberté aux gens de créer, de choisir leur propre projet. C’est de cette liberté que naît l’innovation.”
Du sens dans la diversité
Le débat continue avec la vision de Josef Schovanec sur l’activité économique, menée par le grain de folie des individus. “ Historiquement, les entreprises étaient fondées par des personnes originales et bizarres. Il faut militer pour l’inclusion et redonner de la saveur à nos projets. Au fond, l’entreprise se situe entre deux pôles : d’un côté, l’idée un peu folle d’un individu et de l’autre, l’activité commune. Il est essentiel de valoriser les relations, c’est-à-dire le commerce, et d’associer les humains autour d’une activité bizarre et originale. Jeroen Franssen, expert du Marché du travail chez Agoria, complète ce propos “il ne faut plus réfléchir en terme d’égalité mais bien de diversité et de complémentarité.”
Changement de paradigme
Selon Jeroen Franssen, le mot “fonction” tend à disparaître. Ce n’est plus un job ou un métier que nous vendons, la future grande question sera “Quel est ton projet, tes ambitions pour l’avenir ?”. Laurent Hublet, co-fondateur et CEO de BeCentral, va plus loin “il y a une évolution du mot travail vers le mot engagement. Chez BeCentrale, on monte ensemble vers quelque chose qui a un sens et qui peut transformer la société. Il appartient à chacun de décider de la symbolique qu’il met dans son engagement”. La responsabilité de l’entreprise est de valoriser la transformation et l’impact que nous créons, ensemble. “Nous devons considérer nos entreprises comme une construction de cathédrale qui laisse à chacun le choix de l’expression du sens.”
“Le modèle de l’entrepreneur tout puissant doit être déconstruit. Fondamentalement, nous sommes les seuls maîtres pour définir ce que sont nos succès, nos réussites de vie…”
Pas juste un truc de Top performer
Les grandes success stories, trop vantées par les médias, sont souvent des modèles d’entrepreneurs dysfonctionnels. Être entrepreneur c’est une démarche, “le modèle de l’entrepreneur tout puissant doit être déconstruit. Fondamentalement, nous sommes les seuls maîtres pour définir ce que sont nos succès, nos réussites de vie et pour porter un jugement sur nous-mêmes.” conclut Laurent Hublet. Osons donc revisiter nos critères de succès, apprécier les échecs et surtout, choisir le sens de notre engagement.
En tant que modérateur, Gilles Quoistiaux ose la conclusion. “On a beaucoup parlé de nouvelles façons de manager les équipes et de l’importance de leur laisser du temps, de la liberté pour plancher sur des projets totalement différents. Etre intrapreneur et apporter de nouvelles idées, développer de nouveaux projets. Bref, être porteur de sens dans son propre travail. C’est ça qui motive et épanouit les acteurs du monde du travail”.
Découvrez notre compte-rendu en vidéo mais également les articles de Josef Schovanec, Laurent Hublet, Jeroen Franssen et pour finir Olivier Legrain.